J'ai trouvé cet article marrant... alors, je vous le fais partager...
un article paru dans ELLE du 25 avril, sur le thème de la circulation à Paris.
Controverse bien parisienne : d'un côté, les accros du volant qui pestent dans
un Paris embouteillé, de l'autre, les adeptes du métro qui rêvent d'une ville
sans voitures. Deux journalistes illustrent la polémique.
EN METRO ON DEPASSE LES AUTOS
PAR CLARISSE CHASSIGNEÙX
8hl5 J'emmène les enfants à l'école. Mon ami le Hummer fait le tour du pâté de
maisons. Mon ami le Hummer n'est pas mon ami mais je le vois souvent, on dit
parfois de voitures qu'elles ressemblent à des tanks, mais le Hu'mmer n'est pas
un 4 x 4 qui ressemble à un tank, c'est un tank.
8hl8 Nous sommes devant l'école primaire. Le Hummer repasse.
8h22 Nous sommes devant l'école maternelle. Le Hummer repasse. Garer un tank
n'est pas facile.
8h30 Je sors de l'école maternelle. Le Hummer repasse.
8h35 Je sors de la boulangerie. Le Hummer repasse. Je ne compatis pas. Cette
grosse bête doit consommer 15 litres aux 100. Combien de kilomètres
parcourt-elle chaque jour uniquement pour se garer ? Combien de litres au final
? Je soupçonne le Hummer d'avoir été inventé pour que, en comparaison, les
autres voitures paraissent petites et inoffensives.
9h45 Pour aller à la station de métro, je dois traverser le boulevard Magenta.
Il y a encore quelques mois, le boulevard Magenta était une sorte d'autoroute
urbaine : deux fois deux voies de circulation et des couloirs de bus
matérialisés par une simple ligne au sol, autant dire rien. Magenta était
horrible. Aujourd'hui, les voitures ont une voie, les bus et les taxis une
autre. Les trottoirs ont été refaits avec des pistes cyclables et une deuxième
rangée d'arbres a été plantée. Magenta est métamorphosé. Quand je dis cela, on
me rétorque que je roule pour Bertrand Delanoé, c'est faux, je ne roule pas.
9h50 J'attends pour traverser Magenta. Il n'y a pas de feu rouge sur une partie
du passage piéton. En ce cas, deux stratégies : risquer sa vie en forçant la
voie. Ou, plus jouissif, profiter des embouteillages pour faire un gymkhana.
9h58 Je suis dans le métro, station République.
10h00 J'entre dans la rame, Je m'assieds, j'ouvre mon journal ou mon roman. Dans
la petite ville de Bretagne où j'habitais avant, l'auto était obligatoire. A
Paris, exit la voiture, vive la lecture.
10h30 Je sors du métro à Levallois, je viens de traverser la moitié de Paris, en
30 mn exactement. Je rejoins mon bureau.
11h15 Des collègues arrivent, en retard, Elles étaient coincées dans les
embouteillages. Elles sont furieuses. En les entendant pester, une consoeur,
qui ne manque pas d'humour, propose de saisir l'Onu, face à cette intolérable
atteinte aux droits de l'homme que représentent les encombrements. Selon les
automobilistes, si la circulation était mieux faite, il y aurait moins
d'embouteillages. Erreur, si ça roulait mieux, plus de gens prendraient leur
voiture : il y aurait au final autant d'embouteillages et plus de voitures. Sur
les autoroutes, tout est fait pour les voitures, cela ne les empêche pas d'être
saturées le week-end. La seule solution contre les encombrements ? Moins de
voitures. Et pour cela il faut dégoûter les accros de la bagnole, ceux qui n'en
ont pas vraiment besoin mais préfèrent rester dans leur bulle plutôt que,
horreur, partager une rame de métro.
13hl5 Cantine. A Paris, en ce moment, il v a deux sujets de conversation : le
prix de l'immobilier et la circulation. Quand l'automobiliste dit que «
circuler à Paris ce n'est plus possible », on peut se hasarder à lui demander «
mais pourquoi tu le fais ? » L'excuse vaseuse passée : « J'ai deu.x changements
en métro, c'est compliqué (vérification faite, il en a un, le pauvre), sentant
que son argument ne fait pas pleurer dans les chaumières, il assène ce qu'il
considère être le coup de grâce : " Et les banlieusards qui sont obligés de
prendre leur voiture, c'est terrible pour eux » (ne me dites pas que vous ne
l'avez jamais entendu). Votre interlocuteur vient d'avouer ingénument que lui
n'a pas vraiment besoin de sa voiture, et de trouver la solution : et si les
Parisiens, si bien pourvus en transports en commun, laissaient leur place à
leurs homologues de banlieue qui font, eux, de vrais parcours du combattant
pour rejoindre la capitale ? Essayez de le placer dans la conversation et vous
verrez la tête des altruistes motorisés.
14h Je reprends le métro pour un rendez-vous. Chouette, je vais devoir prendre
la ligne 14. Vous ne connaissez pas la ligne 14 ? Magnifique, des plantes, de
grands Escalator... dès que je le peux, je prends la ligne 14.
13hl5 J'effectue mon changement à Saint-Lazare.
14h25 J'arrive à Châtelet. A l'heure.
15h00 Je repars à un autre rendez-vous, à Port-Royal, en RER. Je retraverse
Paris en 10 mn.
15h40 Plus compliqué, j'ai deux changements : 5 mn de RER, 3 mn de couloirs à
Châtelet, 5 mn de ligne 14, 5 mn de couloirs à Saint-Lazare, 15 mn de métro
traditionnel.
16hl5 Retour au bureau.
18h45 Métro.
19hl5 Arrivée à République. Il pleut et, quand il pleut, il est encore plus
difficile de traverser. Quand on réussit à le faire, on aurait presque envie de
s'excuser d'avoir laissé patienter les automobilistes sous la pluie. Retour à la
maison, le métro, c'est moins de stress, du temps et de l'argent gagnés, au
minimum une heure de lecture par jour et la satisfaction de ne pas contribuer
au réchauffement de la planète. Et une voiture de location, neuve, pour les
vacances. Que demander de plus ?
DANS L'ENFER DU TRAFIC
PAR MARION RUGGIERI
8h00 Le soleil vient de se lever et c'est déjà l'heure du premier P.-V. (Danièle
Evenou *, reviens, ils sont devenus fous) !
8h05 J'avais oublié, je me suis garée sur une place « handicapé» (vide toute
l'année). D'habitude, j'ose pas, mais là, au dixième tour du pâte de maisons,
j'ai craqué.
8hl5 Objectif, traverser le boulevard Saint-Marcel à pied pour accompagner les
enfants jusqu'à l'arrêt de bus qui se trouve, en toute logique, au milieu.
Idéal pour écraser les jeunes, les vieux et les chiens à laisse dérouleuse.
8h20 Toujours pas réussi (à traverser) ! Le boulevard compte six voies, avec,
pour chacune, un sens de la circulation différent et des feux décalés. Sans
compter les autos qui déboulent de la place d'Italie et ne savent pas par où
entrer.De quel esprit pervers, aberrant, technocrate a pu germer pareille idée
? Même les taxis ne savent plus où donner de la tête (après, on s'étonne qu'ils
campent à Roissy) et se retrouvent en diagonale au milieu du boulevard à
attendre que le feu passe (enfin) au vert.
8h30 En voiture tout le monde ! Direction « ELLE », à Levallois-Perret. Avec
trois tonnes de dossiers, deux rendez-vous dans Paris et des enfants à aller
chercher en fin de journée.
9h30 Impossible d'accéder au périph' à cause des travaux sur les Maréchaux.
Après une heure perdue à faire demitour, envie de brûler le panneau « 2006 : il
arrive ! » montrant un fier tramway. En fait, le tram coûte cher, n'améliorera
rien, et c'est l'embouteillage permanent pour arriver de la banlieue sud.
9h45 Sinon, à l'Etoile, les flics créent des bouchons, tranquille.
10h00 Arrivée triomphale à Levallois.
12h00 Déjeuner de boulot. D'habitude je cantoche, mais, là, obligée.. Rendons à
César ce qui lui appartient : Delanoë a beaucoup fait pour les voituriers.
13h05 A Pigalle, les embout' ont du bon. Coincée, fenêtre ouverte, on me demande
si « je baise ». Ah, les maires
passent, mais. Dieu merci, les bonnes manières restent ! C'est sans doute ce que
les Verts appellent un « espace civilisé ». Cet endroit merveilleux qu'on vous
vend dans les journaux comme un appartement témoin, avec une voie pour les
vélos, des arbres, une voie pour les piétons, des arbres, une voie pour les
pigeons, des arbres, etc.
14h05 La rue des Rosiers est en train de devenir piétonne. Les petits commerces
font place aux boutiques de
fringues. L'idée ? Que tout Paris ressemble à un gigantesque Marais : des rues
piétonnes et des bobos qui consomment. Des poussettes et des Starbucks Coffee.
Une ville inusée. Exit le populaire, le brassé. On ferme la porte et les loyers
augmentent...
14hO6 ... mais c'est pas la peine d'être de gauche si c'est pour virer tous les
pauvres de la capitale !
15h00 Réunion aux Buttes-Chaumont. Le boulevard Magenta, transformé en rue, est
totalement anéanti. Le plus gros axe de l'Est parisien est bloqué jour et nuit.
16h00 Gare du Nord. Envie de prendre l'Eurostar et de m'installer à Londres.
17h00 Retour par l'avenue Jean-Jaurès, un nouvel espace civilisé dont la
conséquence est cette fois-ci d'empêcher la banlieue nord de rentrer à Paris.
Sud, nord, est... autant créer directement des octrois aux portes de la
capitale, comme à Londres !
19h00 Peut-on encore tourner à droite quand on circule boulevard Saint-Germain ?
A condition de choisir entre se faire décapiter le pare-chocs par un bus fou ou
se faire rentrer dans le chou par le voisin de derrière.
19hl5 La rue de Rennes roule. C'est pourquoi les Verts envisagent des travaux
pour élargir le trottoir aux poussettes 4 x 4 (pour les familles à dix enfants
du 6e arrondissement) et mettre un terme à cette fluidité.
19h30 Fini les Années folles, le boulevard Montparnasse est triste à mourir,
déserté, défiguré. Impossible de le traverser à cause des bourrelets, un bus
hagard passe de temps en temps avec trois vieilles dames dedans, même les vélos
ont fui le danger.
19h31 Une pensée pour les dernières colonnes Morris bientôt cemplacées par des
colonnes Moches, genre de WC de l'espace qui doivent coûter bonbon comme tous
ces travaux et cet immonde granité couleur béton.
19h45 Comment prendre le boulevard du Port-Royal ? Des flèches folles partent en
tous sens, indiquant qui| le trottoir, qui un espace pigeons, qui l'hôpital des
Enfants malades, on se "croirait chez les Shadoks !
20h00 Au feu, moment de solitude. Je me suis trompée et j'ai atterri chez les
bus. C'est toujours mieux que le 78, à ma gauche, qui est dans la voie pour bus
mais en sens inverse. Le couple sur la troisième file a choisi le bon chemin.
C'est l'avantage d'avoir un copilote.
20h05 Coincée derrière les poubelles ! Les poub' sont devenues dingues. Elles
tournent dans la capitale à toute heure de la journée. On dirait des canards
sans tête qui continuent de courir partout.
00h00 Retour de dîner. La rue de Rivoli, bardée de sa voie pour bus obèses, est
bloquée. Ça n'est pas un mythe : l'homme qui a inventé les embouteillages la
nuit existe. Je l'ai rencontré (enfin, l'embout', pas Delanoë).
Commentaires