Le plan Delanoë pour combattre la voiture à Paris
LE MONDE | 28.11.05 | 15h01 ? Mis à jour le 28.11.05 | 15h10
Les automobilistes grognent, les piétons toussent. Couloirs de bus en site propre, travaux du tramway sur les boulevards des Maréchaux sud, réduction drastique du stationnement et création d'"espaces civilisés" et autres "quartiers verts" : les projets de la majorité municipale parisienne convergent pour faire de 2005 l'année noire de la circulation dans la capitale.
Affaibli notamment par la défaite, en juillet, de la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques de 2012, le maire (PS), Bertrand Delanoë, demande à ses adjoints, particulièrement à Denis Baupin (Verts), chargé des transports, de maintenir le cap mais aussi d'/"entendre le mécontentement des Parisiens"/.
La droite, convaincue qu'elle tient là le talon d'Achille de M. Delanoë, multiplie les attaques sur sa politique des transports. Le président du groupe UMP du Conseil de Paris, Claude Goasguen, candidat déclaré à la prochaine élection municipale, a annoncé, début octobre, que le tramway des Maréchaux était /"un projet dépassé"/ et qu'il supprimerait les couloirs de bus en site propre s'il était élu en 2008. Aussitôt, sa rivale pour l'investiture UMP, la maire du 17^e arrondissement,
Françoise de Panafieu, a déclaré que, pour sa part, elle conserverait les couloirs.
Dès son élection, M. Delanoë a lancé à marche forcée une politique de transports offensive, largement influencée par les Verts, deuxième composante de sa majorité municipale. Objectif : réduire de manière drastique l'utilisation des véhicules privés sur les chaussées parisiennes, en amenant leurs propriétaires à opter pour d'autres moyens de transport.
A l'été 2001, quatre mois après son élection, il avait fait adopter des /"mesures d'urgence"/ pour le développement des couloirs protégés et fait voter un abondement de 1,4 milliard de francs de crédits pour le transport et la voirie. Il s'était attiré au passage la colère du président (PS) du conseil régional d'Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, à l'époque plus que réservé sur cette priorité. Accord de second tour oblige, les écologistes avaient, sans trop de difficultés, imposé leur programme, construit autour de deux idées forces, reprises par le candidat socialiste, jamais abandonnées depuis : le /"partage de l'espace public"/ entre engins motorisés, piétons et cyclistes et la priorité aux transports collectifs, censée aboutir à une diminution /"de moitié"/ de la circulation automobile.
La création des "quartiers verts" et le réaménagement en cours des Grands Boulevards sont aussi l'application stricte du programme des Verts, habilement digéré par M. Delanoë. Idem pour l'idée, mise en oeuvre dès juillet 2001, de rendre les voies sur berges aux piétons durant une partie de l'été avant leur fermeture définitive aux voitures, théoriquement programmée pour 2008.
En quatre ans, l'utilisation de la voiture dans Paris a, selon Denis Baupin, /"diminué de 13 %"/. Le taux de pollution, en revanche, n'a pas baissé, comme l'ont montré les enquêtes récentes d'Airparif, qui a calculé qu'il faudrait que la circulation automobile diminue de 50 % pour que le taux en dioxyde d'azote dans l'air parisien baisse de façon notable.
Le débat sur le plan de déplacements de Paris, dont il a posé les grandes lignes le 2 novembre, va donner au maire l'occasion de tester les nerfs des Parisiens sur la poursuite de sa politique. En septembre 2004, une enquête par questionnaire commandée par la mairie avait montré que 79 % des habitants de la capitale approuvaient la politique municipale de réduction de la circulation automobile.
De nouvelles idées vont être, dans les prochains mois, soumises à la concertation : l'instauration d'une limitation à 30 km/h dans les quatre premiers arrondissements, la mise en libre service, comme à Lyon, de vélos municipaux et la restriction de la circulation des véhicules les plus polluants (deux-roues, camions et 4 × 4).
*Le tramway des Maréchaux sud*
Décidé en 2000 sous la mandature de Jean Tiberi, ce chantier est, parmi ceux en cours, le plus emblématique et le plus perturbant. Les travaux ont commencé pendant l'été 2003, la physionomie des futures rames a été révélée en octobre 2004, et les premiers rails ont été posés en janvier
2005. Fin 2006, le tramway devrait relier en vingt-quatre minutes le pont du Garigliano, dans le 15^e arrondissement, à la porte d'Ivry, dans le 13^e .
Le /"boulevard jardiné"/ imaginé par l'urbaniste Antoine Grumbach et le paysagiste Michel Desvignes s'organisera autour d'une plate-forme gazonnée centrale où circuleront les rames, bordées de doubles voies (rétrécies) réservées aux voitures et d'une double piste cyclable.
Le coût de ce premier tronçon est de 317 millions d'euros, assumé à 30 % par la Ville. Malgré la défaite de la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques de 2012, Bertrand Delanoë maintient son projet d'extension de la ligne, d'ici à 2012, au nord, jusqu'à la porte de la Chapelle.
*Le réseau de bus Mobilien*
C'est l'autre chantier phare en cours. Il s'agit de couloirs de bus en site propre élargis et accessibles aux cyclistes. A l'été 2001, la municipalité prévoyait d'en livrer 41 kilomètres en six mois. Objectif
d'ores et déjà dépassé avec 63 kilomètres déjà réalisés.. Sur les 59 lignes de bus traversant Paris, il est prévu d'aménager entièrement (d'ici à 2010) le parcours de 14 d'entre elles, parmi les plus chargées.
La ligne 38 est achevée, les lignes 91 et 27 sont en cours d'aménagement.
*La requalification de trois grands axes*
Les travaux sur les boulevards Magenta (10^e ), Jean-Jaurès (19^e ), Barbès-Clichy (9^e et 18^e ) et aux abords de la gare du Nord sont en cours, dans le même esprit que sur le boulevard des Maréchaux : élargissement des trottoirs et création de pistes cyclables, couloirs de bus protégés, plantations, diminution du stationnement de surface et création d'espaces de livraison. Avec, pour résultat, la réduction à une seule voie seulement des possibilités de circulation automobile privée.
S'y ajoute la réalisation de dix "quartiers verts" (une vingtaine sont en travaux ou en projet) où la vitesse est limitée à 30 km/h, les trottoirs élargis et le stationnement résidentiel encouragé.
*La politique de stationnement*
Elle vise aussi à décourager l'usage de la voiture : 3 000 places ont été supprimées entre 2003 et 2004, tandis que le stationnement résidentiel des riverains était encouragé par des tarifs abaissés.
La Mairie de Paris souhaite par ailleurs que le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF), désormais dirigé par le président (PS) du conseil régional, Jean-Paul Huchon, s'attache à améliorer l'utilisation des 465 parkings-relais, totalisant 65 000 places, situés à proximité des gares de banlieue et sous-utilisés.
*Dominique Buffier, Christine Garin*
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*CHIFFRES*
*MARCHANDISES.*
32 millions de tonnes de marchandises arrivent chaque année à Paris dont
la quasi-totalité (28,5 millions) par la route.
Près du quart de la voirie parisienne est occupée par le transport des marchandises et 60 % de la pollution provient des camions.
* DÉPLACEMENTS.*
35 millions de déplacements, tous moyens de transport confondus, s'effectuent quotidiennement en Ile-de-France dont 10,5 millions à Paris. Les transports collectifs représentent 64 % des déplacements à Paris contre 23 % en proche banlieue.
*PISTES CYCLABLES.*
103,7 km de pistes sont à la disposition des cyclistes parisiens. Dans l'immense majorité des cas, ils doivent partager leur espace avec les bus : seuls 15,5 km sont strictement réservés au vélo.
*NOMBRE DE VOITURES.*
44,5 % des ménages parisiens possèdent une voiture, contre 70 % de ceux résidant en proche banlieue. Le nombre d'immatriculations de voitures particulières a baissé de 4 % à Paris entre 2003 et 2004, celui des deux-roues motorisés a augmenté de 5 %.
*INVESTISSEMENTS.*
1,29 milliard d'euros a été consacré aux investissements pour les transports en commun en Ile-de-France en 2004 : 770 millions (59,5 %) financés par les entreprises de transport, 270 millions (20,7 %) financés par la région, 40 millions (3,1 %) par l'Etat.
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La banlieue dans une situation critique
LE MONDE | 28.11.05 | 15h02 ? Mis à jour le 28.11.05 | 15h02
Enfermée dans le double carcan du périphérique et du boulevard des Maréchaux ? une particularité qu'on ne retrouve dans aucune autre grande capitale européenne ?, Paris, pour régler ses problèmes de circulation et d'embouteillages, doit regarder vers la banlieue et devenir plus solidaire. C'est une question vitale pour les habitants et pour tous les usagers de la capitale. C'est aussi une nécessité, compte tenu des évolutions de la démographie et de la structure de l'emploi en Ile-de-France.
Rayonnant en étoile et convergeant vers Paris, le réseau de transport en commun est plus dense à mesure que l'on se rapproche du centre de la capitale. Ce modèle n'est plus adapté aux besoins. Dans la dernière période, l'emploi s'est fortement délocalisé vers les communes limitrophes de Paris et les nouveaux pôles d'activité de la Défense, de la Plaine-Saint-Denis, d'Issy-les-Moulineaux ou de Marne-la-Vallée.
800 000 actifs résidant en banlieue viennent, tous les jours, travailler à Paris mais, dans le même temps, 300 000 Parisiens, soit un tiers de la population active de la capitale, font le chemin inverse, un chiffre en augmentation constante.
Entre 1975 et 1999, Paris a perdu 300 000 emplois, la proche banlieue en a gagné 100 000, le reste de la région entre 500 000 et 700 000. Or, en proche banlieue, 55 % des emplois (soit 1 million environ) ne sont pas desservis par les transports en commun. Selon l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR), les déplacements internes à la petite couronne représentent 76 % des déplacements mécanisés dans la région.
L'équipement des ménages varie d'ailleurs nettement en fonction du lieu de résidence : 44 % seulement des ménages parisiens possèdent une voiture, contre 70 % de ceux qui résident en proche banlieue.
Dans le contrat de Plan 2000-2006, 900 millions d'euros sont encore consacrés à des infrastructures routières. Mais la comparaison avec les sommes destinées aux projets de transports en commun, comme la prolongation des lignes du RER C et du RER A pour desservir les villes nouvelles ou le tramway de Saint-Denis ? 3,3 milliards d'euros ?, montre que le virage est pris.
Toutefois, les projets structurants sont encore dans les limbes. C'est le cas d'Orbital, une rocade de métro. Défendue par la RATP et soutenue par l'adjoint (Verts) au maire de Paris chargé des transports, Denis Baupin, et par le Val-de-Marne, elle pourrait relier toutes les communes de la première couronne, à 3 kilomètres du périphérique. La région est très réservée sur ce projet coûteux : 3,6 milliards d'euros pour 40 kilomètres. Au moment où la densification de la première couronne ? il resterait près de 350 hectares à urbaniser ? paraît, dans les quinze ans, inéluctable, peut-on en faire l'économie ?
Article paru dans l'édition du 29.11.05
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A Londres, une taxe d'entrée à Rome, un permis spécial
LE MONDE | 28.11.05 | 15h02
La volonté de réduire le trafic des véhicules privés n'est pas une spécificité parisienne. Toutes les grandes cités occidentales prennent des mesures, parfois drastiques, pour résorber les embouteillages et la pollution.
*LONDRES FAIT PAYER L'USAGER*
La capitale britannique fait payer l'usager, sur le modèle utilisé en France pour faire chuter la consommation de tabac. Depuis le 17 février 2003, une "taxe d'embouteillage" a été instaurée : un péage électronique sans égal au monde, visant à réduire les encombrements, souvent
cauchemardesques, dont souffrait la ville. Sont soumis à cette taxe les automobilistes circulant du lundi au vendredi, sauf les jours fériés, de 7 heures à 18 h 30, dans un périmètre de plus de 20 km^2 situé dans trois zones (West End, le sud de la Tamise et la City).
Les payeurs sont les automobilistes, camionneurs inclus. Les résidents des zones concernées bénéficient d'une réduction de 90 %. Sont exemptés les voitures "propres", les motos, les mobylettes, les scooters, ainsi que les véhicules protégés : ceux des handicapés et de certains
professionnels, taxis et médecins en tête. Plus de 800 caméras, installées aux entrées et à l'intérieur des zones, "lisent" les plaques d'immatriculation et, reliées à un puissant ordinateur, vérifient, dans une banque de données, si la taxe a été acquittée. Celle-ci peut l'être par téléphone ou par Internet, dans les bureaux de poste et dans certaines boutiques. Le péage se fait à la journée ou à la semaine, au mois ou à l'année, à des tarifs de plus en plus réduits.
La municipalité a placé la barre financière très haut pour l'usager privé. La taxe, de 5 livres (7,4 euros) par jour jusqu'au 4 juillet, est alors passée à 8 livres (11,7 euros). En cas d'"oubli", les étourdis ont jusqu'à minuit, chaque soir, pour payer une taxe majorée (16 livres, soit 23,4 euros). Après minuit, ils sont passibles d'une contravention de 80 livres (117 euros). Conséquence : la taxe a réduit les embouteillages de 30 % dans le centre de Londres, et augmenté d'autant la vitesse de circulation.
Mais rien ne justifiait, selon les associations de défense des automobilistes, la hausse massive du péage urbain. Beaucoup soupçonnent le maire, Ken Livingstone, de tenir la taxe pour une vache à lait, afin de financer les énormes besoins de développement et de modernisation des transports publics londoniens.
La taxe mécontente aussi les commerçants. Selon une étude du Forum des entreprises privées, 58 % d'entre elles, en majorité des commerces, ont constaté que la taxe fait chuter leurs bénéfices. Un tiers envisage de déménager. Fin septembre, le maire a annoncé, contrairement à ses promesses, que la zone de taxation serait plus que doublée à partir de février 2007, malgré une forte opposition des Londoniens. Elle englobera les quartiers chics de l'ouest de Londres (Knightsbridge, Kensington et Chelsea).
*ROME SANCTUARISE LE CENTRE-VILLE*
Depuis dix ans, le centre historique (4,5 km2) n'est accessible qu'à ses 20 000 résidants et à 30 000 automobilistes munis d'un permis spécial (400 euros par an). Pour le reste des 2,5 millions de véhicules de l'agglomération, l'accès est bloqué de 8 à 18 heures.
La mairie teste l'extension du bouclage les vendredi et samedi soir jusqu'à 2 heures. Elle veut étendre les espaces piétonniers et projette un immense parking sous la villa Borghèse : les riverains dépourvus de garage devront y laisser leur véhicule. Ponctuellement, la ville organise des dimanche sans voitures. Une troisième ligne de métro est prévue.
*ZURICH : TRANSPORTS EN COMMUN D'ABORD*
La capitale économique suisse (1,2 million d'habitants avec l'agglomération) a opté pour une solution voisine de celle de Paris.
Elle a lancé, dès 1990, le S-Bahn, qui intègre tous les transports publics de la ville, lignes ferroviaires secondaires et bateaux.
En quinze ans, sa fréquentation a augmenté de 65 %. En février 2004, les Zurichois ? 42 % n'ont pas de voiture ? ont adopté un plan qui prévoit que les déplacements en transports publics devront atteindre 50 % des déplacements (42 % aujourd'hui) et ceux à vélo et à pied monter à 20 %
dans certaines zones.
*Jean-Jacques Bozonnet (à Rome), Agathe Duparc (à Zurich), et Jean-Pierre Langellier (à Londres)*
Article paru dans l'édition du 29.11.05
pareil !
Rédigé par : cybre | 30/11/2005 à 10:15
pas moi
Rédigé par : jeanneazouki | 30/11/2005 à 09:26
je t'aime
Rédigé par : Soumia | 29/11/2005 à 20:24