UN, DEUX, CINQ... neuf !
Avec insouciance, des motards dépassent la ligne blanche et roulent sur la piste cyclable.
« C'est du délire ! » lance Julien, rouquin en lunettes de soleil. Il s'agenouille sur le trottoir et mitraille les fraudeurs avec son appareil photo. Hier matin, en pleine heure de pointe, dix membres de l'association Vélorution, qui défend l'usage de la petite reine, se sont postés au carrefour du boulevard Saint-Michel et du quai de Montebello (V e ). Un endroit stratégique, à deux pas de la préfecture de police...
« L'idée, c'est de faire la police à la place de la police, qui ne verbalise quasiment pas les motards, explique Philippe. Il y a un mois, la mairie de Paris et les associations de deux-roues motorisés ont signé une charte qui prétend respecter les aménagements cyclables... Or, ce n'est pas appliqué. »
Pour le prouver, ils ont pris en photo, de dos, tous ceux qui ne respectent pas les pistes cyclables pour les diffuser sur leur site Internet (www.velorution.org). Entre 9 h 20 et 9 h 25, quinze motards ont piétiné le symbole du petit cycliste. En prenant le risque de payer une amende de 135 € . Un scooter fait une queue-de-poisson à un cycliste :
« Les deux-roues ne sont pas courtois avec nous, ça, c'est sûr ! C'est même assez stressant de se sentir talonné par un moteur bruyant », souligne un membre de l'association. Un motard « flashé » par les Vélorutionnaires se justifie : « On n'a pas de place pour passer entre les voitures, c'est pour ça qu'on utilise les pistes cyclables. Pour nous, c'est plus sécurisant ! » Philippe est consterné.
« Ils savent très bien que les policiers ne leur diront rien », soupire-t-il. Au même instant, un petit groupe de policiers intervient. Une discussion animée s'ensuit.
« Pourquoi vous ne les verbalisez pas ? » interroge Philippe. « Ici, nous devons veiller à la fluidité du trafic, se défend le policier. Si on verbalise, on arrête le motard et on crée un nouveau bouchon... » « Et puis, on n'est pas assez nombreux », ajoute un autre fonctionnaire.
Ces réponses n'apaisent pas la grogne de nos écolos. « La mairie de Paris et la préfecture font preuve de complaisance envers les motards. Avec les 20 000 vélos à louer en libre-service que la mairie de Paris va lancer d'ici à décembre, ça va être catastrophique ! » commente Julien.
Les agents s'éloignent, les cyclistes sont sur le point de décoller quand Julien s'exclame : « Un de plus ! » Toutes les têtes se tournent vers le mauvais élève :
c'est un motard... en uniforme de policier.
Géraldine Doutriaux
Le Parisien , vendredi 20 avril 2007
Commentaires