"Nos principes: écarter les stations de vélos en libre service des monuments historiques, des places principales et des perspectives haussmanniennes, et privilégier les implantations sur la chaussée et non sur les trottoirs." C'est ainsi que le chef des Architectes des Bâtiments de France à Paris explique
pourquoi il n'y aura pas de stations Vélib' sur l'avenue de l'Opéra, à la Concorde, et dans bien d'autres lieux parisiens.
Une bicyclette est-elle plus jolie qu'une voiture ? La question, a priori saugrenue, se pose aujourd'hui à Paris, alors qu'est mis en place le réseau de vélos en libre-service, Vélib'. Depuis des semaines, les services techniques de la Ville de Paris travaillent dans l'urgence pour proposer les emplacements des futures stations que le groupe JCDecaux doit aménager dans les rues de la capitale. Une liste de 788 emplacements possibles avait été préparée en 2006, avant le lancement de l'appel d'offres. Elle devait normalement largement suffire. Mais pour remporter le marché, JCDecaux a
promis 1.450 stations au total (pour 20.000 vélos). Dont 1.000 d'ici à la mi-juillet, juste à temps pour l'inauguration de Paris-Plage.
L'aménagement des chaussées étant un sujet polémique depuis le début de la mandature, l'affaire n'a rien d'évident. Outre les emplacements interdits pour cause d'accès pompiers et les sites inenvisageables en raison de la présence de canalisations souterraines, il y a en effet les exigences esthétiques des services du ministère de la Culture. Chargés de veiller à la protection des monuments historiques et de leurs abords, les architectes des bâtiments de France (ABF) donnent leur avis, qui s'impose à la Ville, sur la quasi-totalité du territoire parisien, la capitale étant parsemée d'une multitude de lieux protégés. Or la "doctrine" qu'ils ont élaborée gèle de très nombreuses possibilités d'implantation de stations Vélib' et oblige les services techniques municipaux à chercher des stations supplémentaires.
"Nos principes sont d'écarter les stations des monuments historiques, des places principales et des perspectives haussmanniennes remarquables, et de privilégier les implantations sur la chaussée et non sur les trottoirs", indique Jean-Marc Blanchecotte, le chef des ABF parisiens. Voilà pourquoi il n'y aura pas de stations Vélib' sur l'avenue de l'Opéra, à la Concorde, sur la place Saint-Sulpice ou encore celle du Châtelet.
Les vélos sont quand même plus beaux que les voitures !
Pressé par le temps, l'adjoint au maire Denis Baupin a fait le gros dos, alors qu'il bataille nettement plus avec les ABF pour les couloirs de bus protégés. Jean-François Legaret, le maire UMP du 1er arrondissement, juge également qu'"on ne peut pas reprocher aux ABF de sanctuariser certains
lieux, même si ça ne facilite pas la tâche". D'autres élus, en revanche, apprécient moins. Comme Dominique Bertinotti, la maire PS du 4e, qui souhaitait une station place des Vosges... refusée. Ou comme Jacques Boutault, le maire Vert du 2e, qui juge les raisons des ABF "parfois absconses". "On nous refuse des stations place des Victoires ou place des Petits-Pères à la place de stationnements automobiles existants, ce qui est incompréhensible, explique son adjoint à la circulation, Jean-Paul Maurel. Les vélos sont quand même plus beaux que les voitures !"
"Nous ne sommes pas contre la bicyclette et nous ne défendons pas la voiture, réagit Jean-Marc Blanchecotte. Simplement, quand les stationnements automobiles sont libres, il n'y a plus rien devant les bâtiments protégés. Alors qu'une station vélo, c'est du mobilier urbain implanté à demeure. L'impact n'est pas le même sur le site." Et pour préciser sa pensée, il explique qu'il n'a pas à comparer l'esthétique du vélo à celle de l'automobile. "Certains ont horreur des voitures. Moi, je n'ai pas à les diaboliser comme objets. Après tout, les plus grands designers en dessinent et il y a bien des musées de voitures. L'automobile n'a rien de laid en soi."
Le cabinet de Denis Baupin indique que 600 stations ont déjà été validées.
Il doit encore en trouver 400 pour la mi-juillet et 450 autres pour la fin de l'année.
Pas de vélos près des monuments
Par Antoine DEBIEVRE
Le Journal du Dimanche
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