Les exactions des colons de Tel Rumeida, au coeur de Hebron,
continuent contre ce qui reste de leurs voisins palestiniens, sans que
les autorités israéliennes n'interviennent ou presque. Ce scandale,
dont un extrait vidéo relativement anodin d'ailleurs, est passé sur une
chaîne israélienne, a assez duré. Le ministre de la défense Amir
Peretz, qui a vu ce petit film, aurait été « choqué », indique le site de La Paix Maintenant (France).
La semaine dernière, la chaîne 10 de la télévision israélienne a
diffusé un court reportage vidéo filmé dans le quartier de Tel Rumeida
à Hebron, où l'on voit une femme appartenant à la communauté des colons
juifs de ce quartier, Yifat Alkobi, bousculer brutalement et insulter
ses voisins, membres de la famille palestinienne Abou Aisha. Il y a
quelques mois, B'Tselem, le Centre israélien d'information pour les droits de l'homme dans les territoires occupés,
avait fourni une caméra à la famille Abou Aisha pour qu'elle puisse
filmer ce qui se passait près de chez eux. Ils disposent aujourd'hui de
nombreux clips vidéo de ce genre. Ce qui est intéressant dans celui-ci,
c'est que la bousculade et les insultes ont eu lieu alors qu'à quelques
mètres de là, des soldats israéliens ont observé la scène sans lever le
petit doigt.
Personne ne s'est particulièrement ému de ces images, à commencer
par Yifat Alkobi elle-même, convoquée pour interrogatoire, mais qui
n'est même pas venue. Dans la ville, il y a un groupe d'observateurs
internationaux, appelé TIPH (Temporary International Presence in Hebron),
qui a publié un communiqué disant que le film ne contenait rien de
nouveau. « Depuis des années, nous publions des informations sur les
harcèlements, les biens endommagés, les destructions de bâtiments, les
jets de pierres et les fenêtres brisées, commis par les colons à
l'encontre des habitants arabes. Par le passé, nous nous sommes souvent
adressés à l'armée et à la police, sans résultats », disent les
observateurs. Ils envoient leurs rapports au gouvernement israélien, à
l'Autorité palestinienne et aux gouvernements des six pays qui ont
envoyé des observateurs (Norvège, Italie, Suède, Danemark, Suisse et
Turquie). B'Tselem s'est aussi hâté de prévenir qu'il ne fallait pas
faire de Yifat Alkobi un bouc émissaire. Le fait est que la
responsabilité de ce qui se passe à Hebron incombe à tous les
gouvernements qui ont permis et continuent de permettre que ces scènes
honteuses se produisent.
Les chiffres sont connus. Des milliers d'Arabes qui habitaient la
partie de Hebron sous contrôle israélien (selon l'accord passé par le
gouvernement de Benjamin Netanyahou [à Wye Plantation,
ndt]), bien peu sont restés. La famille Abou Aisha de Tel Rumeida
habite une maison qui a été surnommée « la maison cage » à cause des
barreaux qui l'entourent, destinés à la protéger des harcèlements des
colons. Les autres familles arabes isolées qui sont restées dans le
quartier près des colons ont tendance à se cacher de la même manière.
En d'autres termes, les colons de Hebron ont réussi à se débarrasser
presque complètement de leurs voisins arabes, chose que l'armée et la
police n'ont rien fait pour empêcher, ce qui veut dire que, dans les
faits, ils ont aidé les colons.
La droite israélienne, qui soutient les colons de Hebron, a glissé
depuis longtemps sur la pente du racisme. Lors d'une réunion récente à
Jérusalem, un officier de police (juif) haut gradé, qui a quitté son
service, a dit à des invités étrangers comment il devait agir à l'égard
de colons installés dans des quartiers arabes qui refusent d'obéir aux
ordres de policiers
arabes. « Vous êtes arabes, et nous ne vous parlons pas. Vous n'avez
qu'à amener un policier juif », disent-ils. Les invités canadiens
furent choqués.
L'un deux, haut fonctionnaire du gouvernement canadien, a dit que
quiconque oserait faire ce genre de remarque au Canada serait
immédiatement jeté en prison. Ici, cela passe sans problème.
Tous les colons ne ressemblent pas à ceux de Hebron. Il y a des colons
qui tentent d'établir des relations de bon voisinage avec les Arabes.
Mais les uns comme les autres se défendent des accusations de racisme
et de dépossession en disant que telle a été la situation sur la terre
d'Israël depuis le début du sionisme. Tel-Aviv, elle non plus, n'a pas
été seulement bâtie sur du sable, et partout en Israël, de Dan au Nord
à Beer Sheva au Sud, des Arabes ont été expulsés et dépossédés. Alors,
que leur reprochent les gens?
Quel que soit le cliché que véhiculent ces revendications et ces
arguments, ils sont pertinent aujourd'hui, quand de nouveaux plans
politiques surgissent après la fin d'Oslo. Dans le processus nouveau,
s'il est mis en œuvre, il n'y aura pas d'échappatoire et il faudra
fixer une frontière de principe. Et dans les négociations avec les
Palestiniens, le seul point de départ possible est la ligne Verte.
Après 1967, et pendant plus de 20 ans, on a évoqué en Israël et dans la
région une « option jordanienne ». Le Royaume de Jordanie dispose d'une
capitale grande et animée, Amman, et de grands territoires. Si des
négociations avaient eu lieu avec la Jordanie, le contrôle israélien
sur une certaine portion des territoires n'aurait pas été le même que
dans le cadre de négociations avec les Palestiniens, qui n'ont pas de
capitale, et presque pas de territoires. C'est perdre son temps que de
parler avec les Palestiniens si nous n'abordons pas les négociations
avec pour principe la ligne Verte. Toute autre option est susceptible
de conduire au phénomène obscène des colons de Hebron et de Tel Rumeida.
© Ha'aretz, 15 janvier 2007
Par Danny Rubinstein
Traduction : Gérard Eizenberg
La version en Anglais est ICI. Pour contacter La Paix Maintenant France, ou y adhérer, cliquer LA.
Pris de ce blog : http://menilmontant.noosblog.fr/
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