AUSTRALIE
Pour la première fois dans l'histoire du pays, le chef du gouvernement travailliste vient présenter ses excuses à la communauté aborigène. Un événement salué par tous, même si beaucoup attendent les actes concrets.
"Aujourd'hui, nous honorons les peuples indigènes de ce pays, la plus vieille culture de l'histoire humaine…" Ainsi commence le discours du nouveau Premier ministre travailliste, Kevin Rudd, à l'attention des Aborigènes. "Avec un texte de seulement 361 mots, relève The Sydney Morning Herald, le Parlement fédéral tentera aujourd'hui de guérir le mal de décennies de mauvais traitements infligés par l'Etat à tous les aborigènes australiens, et pas seulement à ceux qui, enfants, ont été enlevés de force à leurs familles."
Des milliers de gens, aborigènes et autres, étaient réunis à travers le pays, devant des écrans géants, pour assister en direct à cette session parlementaire historique. Devant le Parlement, témoigne le quotidien de Sydney, la pelouse est "aux couleurs des drapeaux aborigène et australien", puis, lorsque Kevin Rudd termine son discours, "c'est l'ovation debout ! Beaucoup pleurent, sourient ou semblent acquiescer".
Dans le quartier défavorisé de Redfern, reprend le journal, ils sont nombreux sous la pluie, réunis autour du maire de Sydney, Clover Moore, devant un écran placé sur le site des émeutes aborigènes de 2003. Après avoir écouté le chef du gouvernement, Clover Moore, en larmes, conclut : "Le Parlement de Canberra est loin des rues de Redfern, mais les excuses faites ce matin doivent résonner ici, dans nos cœurs et dans nos esprits."
"C'est une renaissance, convient l'acteur et présentateur de télévision aborigène Ernie Dingo, surtout de savoir que ce qui s'est passé durant les huit dernières décennies n'a pas été oublié." Pour Christine King, codirectrice de l'Alliance pour les générations volées (les enfants enlevés à leurs familles), citée elle aussi par le Sydney Morning Herald, ces excuses officielles marquent "le premier pas de ce qui sera un long voyage vers la guérison du peuple aborigène".
"Toutes les voix doivent être entendues, insiste-t-elle, toutes les douleurs doivent être écoutées, toute la peine partagée, c'est cela le chemin à suivre." "Ce n'est pas une question de brassards noirs ou de culpabilité, reprend Tom Calma, de la Commission pour la justice sociale des Aborigènes, mais de reconnaissance et d'enseignement du passé. Et, au final, le but est de trouver une place, lorsqu'on raconte notre histoire nationale, pour les générations volées."
Tout le monde n'est pas de cet avis. Le discours de Kevin Rudd a été boycotté par une poignée de députés, dont Denis Jensen, député libéral, qui déclare à The Australian que "demander pardon ne résoudra rien, ce n'est que du papier peint". Le journal note que John Howard était le seul ancien Premier ministre vivant à ne pas être présent pour "des excuses auxquelles il s'était opposé tout au long de ses onze années de pouvoir".
Où était-il donc, en ce moment historique ? "il faisait son jogging quotidien", ironise le quotidien, ajoutant qu'il était temps que l'Etat présente ses excuses et que "celles de Kevin Rudd, écrites de sa propre main, seront un des moments forts de son mandat" (qui commence à peine)."Il a mis la barre haut. Et il devra apprendre, comme d'autres avant lui, reprend le journal, que répondre aux attentes est le défi politique le plus difficile". "Le sens véritable de ces excuses est indéfinissable, poursuit le quotidien. Or, c'est précisément ce sens que le Premier ministre devra définir dans les années à venir."
Un argument qui est repris par l'ensemble de la presse, comme The Canberra Times qui souligne : "Plus tard, on remerciera peut être le gouvernement Rudd d'avoir enfin demandé pardon, mais il sera jugé davantage sur les actes que sur les mots." Le quotidien s'inquiète du fait que "personne ne sait ce que les travaillistes ont vraiment l'intention de faire pour les aborigènes".
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